Dans cette seconde partie de l’introduction au MES, nous allons voir l’apport des standards sur le MES, et en particulier du standard ISA-95.
Comme nous l’avons vu, le terme de MES a été forgé par le MESA, Manufacturing Execution System Association, qui en a décrit les principaux concepts, et a défini le MES comme composé de 11 fonctions, que l’on retrouve souvent dans la littérature.
Mais l’apport le plus significatif pour la structuration du MES est sans doute celui de l’ISA, qui au travers du standard ISA-95 a engagé une analyse qui propose différents modèles extrêmement utiles pour la compréhension et la bonne mise en pratique du MES.
Dans le domaine du logiciel, il faut modérer l’importance qu’on accorde parfois aux standards. Ce ne sont pas eux qui vont garantir qu’un logiciel va répondre à votre besoin.
D’un autre côté, ce serait une grosse lacune d’introduire le MES sans parler de l’ISA-95, qui est un guide sûr pour aborder le MES avec les plus grandes chances de succès.
A l’instar du MESA, l’ISA est une autre association américaine très active, comprenant de nombreux membres, tant industriels que constructeurs d’automatismes et éditeurs de logiciels.
Le standard ISA-95 a très largement contribué à structurer le domaine du MES, à définir un modèle objet extrêmement complet, définissant les équipements avec une description arborescente de l’usine, les matières, les profils de personnel, les produits fabriqués, les procédés…
C’est un standard très abouti. Les industriels peuvent s’y appuyer pour définir leurs besoins, les éditeurs de logiciels peuvent s’en inspirer pour l’organisation interne de leurs logiciels, ou définir des interfaces avec d’autres logiciels comme les ERP.
L’ISA-95 est donc un standard utile. Les industriels ont d’ailleurs souvent témoigné qu’il avait joué un rôle décisif dans le succès de leur projet, en grande partie grâce à la modélisation des objets et processus métier qu’il amène.
A noter que l’ISA définit un périmètre un peu plus large pour le MES, pouvant englober par exemple des aspects logistiques, et a préféré mettre en avant le terme d’Opération plutôt que le terme d’Exécution. Cela a donné naissance à un autre acronyme, le MOM (pour Manufacturing Operation Management).
Les travaux de l’ISA-95 ont aidé à mieux délimiter la place et le rôle du MES.
Vous vous souvenez peut-être de la pyramide du CIM, telle qu’on l’exposait dans les années 80. Cette approche a beaucoup vieilli, essentiellement du fait que les différentes strates de la pyramide du CIM étaient justifiées par des types de réseau différents à chaque étage de la pyramide : réseau de capteurs et d’entrées-sorties, bus de terrain inter-automates et supervision, réseau d’informatique de gestion de type Ethernet ou Token Ring. Aujourd’hui, imposé par l’Internet, TCP/IP est présent à tous les étages de la pyramide. C’est plus une approche fonctionnelle qui amène à distinguer différents niveaux :
- Le niveau 4 ou niveau de la planification de la production et des ressources
- Le niveau 3 ou niveau de l’exécution et du contrôle de production
- Le niveau 2 ou niveau des automatismes et de la supervision
Généralement, c’est au niveau 2 que se distinguent les différents types de procédés : on parlera de procédés semi-continus ou batch, c’est à dire de traitement par lots, très répandus dans l’agroalimentaire, la pharmacie, les cosmétiques, mais aussi bien d’autres industries.
On parlera de procédés continus comme la métallurgie, la chimie ou l’industrie du pétrole, ou on parlera de procédés discrets ou manufacturiers comme l’automobile, l’électronique, mais aussi toutes les industries d’assemblage.
Le MES va donc trouver sa place essentiellement au niveau 3. Plus que l’ERP, un MES peut être particulièrement bien adapté à un type de procédé particulier mais pas nécessairement : certaines industries font d’ailleurs intervenir plusieurs procédés dans leurs fabrications. La fabrication des yaourts, par exemple, commence par un procédé quasi- continu d’homogénéisation et de pasteurisation du lait, puis un procédé batch de mélange et d’incorporation de crème, de fruits, d’ingrédients, puis finalement un procédé manufacturier de conditionnement, d’emballage et de palettisation.
Le MES va aussi se distinguer des outils de type ERP ou GPAO d’une part, et des automatismes d’autre part, par son échelle de temps. Le temps des automatismes est celui de la seconde, voire inférieur. A l’inverse, l’échelle de temps pour la planification est plutôt la journée, ou la demi-journée. L’échelle du MES, c’est la minute, et il va apporter la réactivité et l’agilité à la production.
Sous l’impulsion du MESA qui les a listées le premier, on a longtemps parlé des « 11 fonctions du MES ». Si la plupart d’entre elles sont restées pertinentes, il s’est avéré que certaines présentaient des recouvrements, comme la gestion du personnel et la gestion des ressources, tandis que d’autres n’étaient pas à proprement parler du domaine du MES, mais plutôt de celui des logiciels d’entreprise, comme la gestion de la documentation.
Finalement, pour caractériser les grandes fonctions du MES, nous retiendrons plutôt le diagramme des huit fonctions identifiées par l’ISA-95, à savoir :
Sur le volet descendant, depuis une planification issue de la gestion :
- La planification détaillée, ou ordonnancement, qui permet un dispatching des tâches grâce à la gestion des ressources
- Une exécution de ces tâches sur la base de leur définition
- Puis la transmission des consignes aux opérateurs et au procédé
Puis sur le volet montant, à droite du diagramme
- L’acquisition et l’historisation des données du procédé et de l’exécution
- Le suivi et l’analyse de performance
Ces différentes fonctions communiquent avec le niveau 4 au niveau de la définition des produits, des capacités des ressources, de la planification et de la performance, et vers le bas avec les niveaux 0, 1 et 2, soient les opérateurs, les capteurs et actionneurs et les automatismes.
Cette organisation des tâches du MES s’applique aussi bien à la production, qu’à la qualité, à la gestion des stocks d’atelier et à la maintenance.
Comme on l’a déjà noté, le MES prend sa place dans un paysage où il y a déjà pas mal de solutions logicielles en trois lettres !
L’ARC Advisory Group, une société d’experts internationaux, a eu l’idée de positionner les solutions logicielles suivant 3 axes dont vous voyez ici une version simplifiée.
- Le premier axe est celui de la Value Chain ou chaine de valeur, qui va des fournisseurs au clients. On y trouve en particulier les solutions dites Supplier Relationship Management (SRM) côté fournisseurs, et les solutions de Customer Relationship Management (CRM) côté clients.
- Le second axe est celui du cycle de vie produit. Il va de la conception et du design du produit jusqu’à son support, en passant bien sûr par sa fabrication. On y trouve bien sûr les outils de conception assistée par ordinateur, CAO ou des outils plus larges de gestion du cycle de vie produit, Product Life cycle Management (PLM), avec un volet Design et un volet Support
- Enfin le troisième axe est l’axe opérationnel de l’entreprise, avec la production à une extrémité et le business à l’autre. On y trouve l’automation et les solutions d’Advanced Process Control (APC) côté production et les solutions ERP côté gestion de l’entreprise. C’est un peu celui que nous avons vu juste avant avec les différents niveaux fonctionnels de l’entreprise.
Le MES et le MOM occupent une place centrale à la croisée de ces 3 axes. Cela souligne d’une part le caractère stratégique pour l’entreprise du MES et du MOM, mais aussi la nécessité qu’il y a pour le MES de dialoguer efficacement avec d’autres solutions logicielles. Nous aborderons en particulier le dialogue avec les ERP dans la prochaine émission de cette série. La question plus générale de l’organisation des différents logiciels de l’entreprise, ce que l’on appelle « l’urbanisation des logiciels » sera abordée dans une émission ultérieure.
Pour aller jusqu’au bout de ce tour d’horizon des logiciels d’entreprise, l’utilisation efficace des documents et des solutions nécessite également une infrastructure collaborative, et des solutions de gestion des différents processus métier de l’entreprise ou Business Process Management (BPM).
Je vous propose de résumer ce que nous avons vu aujourd’hui dans cette deuxième partie de l’introduction au MES.
Grâce aux travaux de l’ISA-95, que l’on peut considérer comme un véritable référentiel du MES, les industriels peuvent exprimer leurs besoins sans ambiguïté et les offreurs de solutions peuvent s’interfacer plus aisément avec les logiciels complémentaires tels que l’ERP.
Nous avons également pu positionner les fonctions du MES par rapport aux automatismes ou aux opérations manuelles d’une part, et par rapport à la gestion de l’entreprise, d’autre part, en considérant les différents types de procédés.
Ce positionnement n’est pas uniquement fonctionnel, mais aussi temporel : avec une échelle de temps de l’ordre de la minute, le MES va permettre d’apporter à l’entreprise des informations fraîches et consolidées, qui sont la clé de la réactivité.
Enfin nous avons élargi l’horizon pour voir le paysage logiciel autour du MES, et la position stratégique qu’il occupe.
Nous aurons l’occasion de revenir plus en détail sur certains points de cette introduction dans les émissions suivantes. Le but de cette dizaine d’émissions est double :
- D’une part, examiner de manière plus approfondie les principales fonctions du MES
- D’autre part, aborder des aspects transverses tels que les contraintes du développement d’une application MES, les architectures informatiques, le ROI d’un projet du MES, ou la vie du MES après le projet.